Batroun, c’est avant tout une ville côtière qui échappe à la logique urbaine dévastatrice du Liban, tant son architecture et son patrimoine ont été préservés. Située à 55 km au Nord de Beyrouth, elle a réussi à conserver la mémoire de son passé : la cathédrale Saint-Etienne, bijou datant de la fin du XIXème siècle, adjacente à l’ancien port de pêche, où la tradition veut, qu’une fois l’an, la messe soit dite dans la mer ; la petite église Notre Dame de la Mer, qui donne directement sur la Méditerranée, et à partir de laquelle on peut voir l’ancien « Mur Phénicien », reliquat d’une carrière de pierres que les Phéniciens ont dressé en rempart afin de protéger la ville contre les vagues par temps de tempête ; ou encore le vieux souk de pierres pavées, aux maisons en voûte de grés et au détour desquelles on peut apercevoir une ancienne mosquée.
Dans ces lieux chargés d’Histoire et d’histoires, la vie s’intègre avec aisance et joie. Le souk, ce sont des échoppes de légumes et d’artisans ; mais aussi des restaurants et des boîtes de nuit. Le front de mer, c’est une série de plages de galets, entrecoupés de pubs où boire un verre les pieds dans l’eau en admirant le coucher de soleil ; mais aussi une étendue qui accueille des concerts ou des expositions de photos entre ses bougainvillées fuchsia, orange et jaune.
Batroun, c’est historiquement le haut lieu de la limonade : pressez vos citrons, laissez reposer le jus dans les zestes durant une nuit ; le lendemain, retirez les zestes, ajoutez de l’eau sucrée et une rasade d’eau de fleur d’oranger. Pour le reste, un débat demeure entre les conservateurs qui s’en tiennent là, et les modernes, qui y ajoutent de la menthe, du basilic ou de la fraise… Mais ne nous arrêtons pas à ces débats de citrons !
Au-delà de la ville, la région de Batroun compte 68 villages, alignés comme une étroite langue de terre allant de la mer vers les collines, dont Rachana, village d’origine des sculpteurs de la famille Basbous, transformé en salle d’exposition en plein air, les œuvres d’art en occupant chaque recoin ; Douma, aux 240 maisons patrimoniales ; ou encore, plus haut, allant jusqu’à 1800 m au-dessus du niveau de la mer, Tannourine, qui héberge la plus grande forêt de cèdres au Liban et de magnifiques cascades naturelles (pour y parvenir, suivre l’aqueduc romain).
A ce parcours parsemé de B&B et maisons d'hôtes installés dans d’anciennes maisons rénovées, se greffe la Route des Vins, puisque les collines sont jalonnées de nombreux vignobles qui proposent des dégustations et, pour certains d’entre eux, de quoi se restaurer. Il faut dire que la tradition vinicole de la région de Batroun remonte à très loin. Comme partout au Liban. De la période phénicienne, ont été retrouvées des pièces de poterie et des amphores ayant servies au transport du vin. La monnaie locale, durant l'époque gréco-romaine, était frappée de symboles relatifs au vin : la figure de Dionysos, l'amphore ou la grappe de raisin. Et les Grecs d’Alexandre Le Grand avaient même baptisé la région "Botrys", qui signifie « la grappe de raisin », en référence aux vignes qui dominaient l’agriculture d’alors.
Ces traces racontent la présence ancestrale du vin sur un terroir propice pour la culture de la vigne, puisqu’il bénéficie de près de 300 jours d’ensoleillement par an, en même temps qu’il reçoit les brises fraîches venant de la Méditerranée. Propice et en même temps rare ! Le sol est principalement composé d'argiles ferriques entrecoupées de plaques de calcaire – spécificité qui concerne moins de 3% des régions viticoles dans le monde. Longtemps mise de côté, la viticulture de la région connait une renaissance à la fin des années 90 et au début des années 2000, renaissance initiée durant une période où la reconstruction du Liban avait été entamée. Si cette reconstruction n’a pas donné de résultats au niveau d’un pays, elle a tout de même porté ses fruits à Batroun, dont les coteaux sont désormais jalonnés de vignes plantées en terrasse.